131
Toutes périodes
Liège
jalonnent l'espace de la cité liégeoise et accompagnent
son développement urbain au tournant des 10e et
11e siècles. Elle est fondée à la fin du 10e siècle à l'initiative de l'évêque Notger qui y sera inhumé en 1008,
conformément à sa propre volonté (Kupper, 2015,
p. 71-79 ; Deckers, 1981). L'édifice est implanté en
dehors du premier noyau urbain de Liège, sur un îlot
alluvionnaire isolé de la cité par le bras de Meuse de
la Sauvenière. L'église actuelle, de plan centré à nef
en rotonde, fut reconstruite a fundamentis au milieu
du 18e siècle ; seul l'avant-corps occidental, de style
roman, subsiste de l'édifice médiéval. La formule
architecturale adoptée aux Temps modernes a perpétué dans les grandes lignes la construction médiévale, dont l'inspiration à partir de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle a été soulignée de tout temps
(Lahaye, 1921-1931, p. 3-4 ; Genicot, 1981, p. 48-50).
Jusqu'à présent, l'église et ses dépendances
n'avaient encore fait l'objet d'aucune recherche
■ Verheyden O., 2017. Étude préalable : cloître de l'église SaintJean, Liège, rapport inédit.
■ Wey S., 2014. Analyses en vue d'une restauration des galeries du
cloître de la collégiale Saint-Jean-l'Évangéliste à Liège, Université
de Liège, Master complémentaire en conservation et restauration
du patrimoine culturel immobilier, travail de fin d'études inédit.
Liège/Liège : sondages archéologiques à la
collégiale Saint-Jean. La genèse du cloître à
galeries et le réfectoire, également appelé
« chapelle des bénéficiers »
Denis Henrard, Guillaume Mora-Dieu,
Geneviève Coura et Jean-Marc Léotard
L'église Saint-Jean est une des sept collégiales qui
1
S1
S5
5
S2
S3
S6
3
2
4
S8
S4
S15
S11
S7
caveaux
tombes en cercueil
chapelle
0
10 m
Plan de la fouille de 2017. 1. Emprise du réfectoire ou de la chapelle dite « des bénéficiers » ; 2. Fosse de coulée à cloches ; 3. Sépulture F47 ; 4. Sépulture F56 ; 5. Sépultures F45 et F46 (relevé et infographie AC&T et F. Taildeman, Serv. archéologie, Dir. ext. Liège 1).
132
Chronique de l’Archéologie wallonne
archéologique approfondie. Entre mars 2016 et juin
2017, le Service de l'archéologie de la Direction
extérieure de Liège 1 (DGO4 / Département du
patrimoine) a conduit des sondages dans le préau et
les bâtiments du cloître de la collégiale, en préalable
à la réaffectation du lieu par la Ville de Liège. L'emprise des sondages en sous-sol est malheureusement
restée très limitée, alors que les questions soulevées
par la fouille auraient justifié une appréhension
extensive de l'espace. Une analyse des bâtiments
a pu être conjointement menée dans le cloître (cf.
notice supra).
Des traces de l'implantation primitive de
la collégiale (11e-12e siècles)
La configuration originelle et l'évolution architecturale
des encloîtres de Saint-Jean sont très mal connues.
D'après Richard Forgeur (1967, p. 24-25), l'espace
situé à l'ouest de l'avant-corps a accueilli des bâtiments
destinés au chapitre canonial, notamment le réfectoire
et la salle capitulaire.
Dans le préau du cloître, les séquences stratigraphiques n'ont conservé aucun niveau d'occupation
relatif à l'implantation canoniale primitive, mais
Toutes périodes
révèlent bien un horizon funéraire des 11e et 12e siècles.
Ce dernier est matérialisé par deux caveaux, F47 et F56
(respectivement 3 et 4), maçonnés à l'aide d'un petit
appareil en grès et recoupés par les galeries sud et ouest
du cloître actuel. Les dépouilles ont été soumises à une
analyse radiométrique qui donne une datation, après
calibration à deux sigmas, entre 1040 et 1220 apr. J.-C.
pour F56 (RICH-24913 ; 888 ± 27 BP) et entre 965 et
1035 apr. J.-C. pour F47 (RICH-23860 ; 1029 ± 26 BP).
Cette dernière inhumation appartient probablement à
la première génération de personnages enterrés dans
les encloîtres.
À l'angle sud-ouest des bâtiments du cloître, le
sondage S15 a livré un niveau d'épandage détritique
précoce incorporant des productions céramiques
typiques des ateliers dits « pré-andennais », ainsi que
d'abondants restes fauniques dont l'analyse préliminaire signale d'ores et déjà la consommation marquée
de jeunes porcs, abattus avant l'âge de deux ans. Deux
datations radiométriques sur des côtes de porcelets
ont été réalisées. Elles donnent respectivement une
datation, après calibration à deux sigmas, entre 980 et
1150 apr. J.-C. (RICH-24917 ; 998 ± 26 BP) et 1040 et
1230 (RICH-24912 ; 878 ± 28 BP). Cet épandage détritique prend appui contre un épais soubassement en
moellons de grès. En l'état de la recherche, ce tronçon
de maçonnerie, servant encore d'assise au bâtiment
actuel, peut difficilement être rattaché à un ensemble
architectural cohérent. Une structure de combustion a
également été repérée dans le sondage S7 voisin. Elle
est recoupée par plusieurs fosses dont les périodes
de comblement s'échelonnent entre le 11e et la fin du
14e siècle. Une fouille plus complète de ces différents
contextes est déjà programmée lors de la mise en
œuvre des travaux d'aménagement.
Enfin, la fouille des caves des bâtiments jouxtant
l'aile occidentale du cloître, outre les tombes de la
chapelle dite « des bénéficiers » (cf. infra), a mis au
jour une structure rubéfiée clairement assimilable à
une fosse de coulée de cloches, datable entre le milieu
du 11e siècle et le début du 13e siècle (2). Cette structure particulière fait l'objet d'une description dans un
article distinct de ce volume.
La genèse du cloître occidental à galeries
Sépulture F47 et couture au niveau des fondations de la deuxième travée de la galerie occidentale.
Si l'espace situé à l'ouest de l'avant-corps accueille des
bâtiments destinés à la vie commune des chanoines, sa
vocation funéraire sur le long terme ne fait également
aucun doute. Les sondages ponctuels implantés dans la
cour du cloître ont livré une trentaine d'inhumations,
s'échelonnant de manière dense entre le début du
11e siècle et l'époque moderne. Parmi celles-ci, épinglons les sépultures en cercueil F45 et F46 (5), qui sont
133
Toutes périodes
dotées de vases funéraires dont le remplissage incorpore des restes charbonneux. Ce type de vases funéraires, généralement qualifiés de « vases à encens »,
participe à des pratiques funéraires assez courantes
durant les 13e et 14e siècles dans les bassins mosan et
scaldien (Challe, 2017). La tombe F45 est pourvue,
à droite de l'épaule du défunt, d'un pichet ovoïde
complet à col cylindrique, de teinte brun rougeâtre
et à glaçure partielle brun sombre, dont la panse a été
perforée trois fois après cuisson. À gauche du défunt
gisaient un pot ovoïde fragmentaire à col bombé, de
teinte claire et à glaçure verdâtre partielle. La partie
inférieure de la tombe F46 contenait, elle, des fragments du fond d'un pichet à pâte blanche et à glaçure
partielle verdâtre. Le comblement de F46 contenait
également, en position de remblai (?), un fragment de
col à bandeau court d'un pot en céramique sombre très
cuite. Les caractéristiques typologiques du mobilier
associé aux sépultures F45 et F46 l'apparentent aux
productions de la période III des ateliers d'Andenne,
datées entre le deuxième quart du 13e siècle et le milieu
du 14e siècle (Borremans & Warginaire, 1966 ; Challe,
2017, p. 308).
La question de la mise en place architecturale du
cloître à galeries a également retenu toute notre attention. Ce dernier est traditionnellement attribué au
16e siècle, tout en notant d'importantes transformations aux 18e et 19e siècles (Forgeur, 1967, p. 23-27).
Par ailleurs, l'historiographie présuppose généralement l'existence d'un cloître à galeries dès la période
romane, sans réel argument objectif en ce sens, mais
plutôt par a priori comparatif avec Aix-la-Chapelle
(Forgeur, 1967, p. 7 ; Genicot, 1981, p. 52). Pourtant, le
cloître à galeries n'apparaît pas comme un équipement
architectural absolument indispensable aux ensembles
canoniaux, son édification pouvant également s'avérer
tardive, par tranches successives, voire même partielles
(par exemple interrompues après quelques travées ;
Sapin, 1994). L'usage de galeries de circulation à usage
propre, n'ayant pas eu la vocation originelle de constituer un cloître, peut également être envisagé.
Les sondages opérés dans le préau du cloître
indiquent que la voûte de la galerie sud, parée des
armoiries d'Érard de La Marck (prince-évêque de Liège
de 1505 à 1538), est mise en œuvre dans une galerie
préexistante. Celle-ci est datable, sur base du mobilier associé en stratigraphie, à une période comprise
entre la seconde moitié du 14e siècle et le début du
15e siècle. Cet ouvrage de la fin du Moyen Âge opère
un retour d'angle vers la galerie ouest où, au niveau
de la deuxième travée, une couture nette en fondation
indique que le reste de la galerie n'a été prolongé, dans
sa forme actuelle en tout cas, que plus tardivement
(au 15e siècle au plus tôt). Aucune information quant
Liège
à la période d'implantation de la galerie nord n'a pu
être collectée en fouille. Enfin, la galerie orientale est,
quant à elle, construite au 18e siècle, en empiétant sur
les tombes F45 et F46, datées entre le second quart du
13e siècle et la première moitié du 14e siècle.
Pour compléter les informations collectées au sujet
du développement architectural des bâtiments du
cloître, signalons que le volume qui jouxte le pignon
sud du réfectoire recoupe des contextes stratigraphiques datés entre la seconde moitié du 15e siècle et la
première moitié du 16e siècle (sondage S11). Enfin, le
pilier central de la pièce voûtée adjacente, qui occupe
l'angle sud-ouest du cloître actuel, recoupe une fosse
dont le comblement est à situer entre la fin du 14e siècle
et le 15e siècle (sondage S7).
Sur la base des données récoltées en fouille, nous
pouvons donc dresser le constat que la mise en place
du cloître à galeries, dans son agencement actuel, est
assez tardive. L'axe de circulation formé par la galerie sud et son retour vers l'ouest sur deux travées n'a
été mise en œuvre que durant la seconde moitié du
14e siècle ou au début du 15e siècle, en empiétant d'ailleurs sur des caveaux funéraires des 11e ou 12e siècles.
Cette phase de travaux correspond à une période de
grand dynamisme constructif à Saint-Jean, puisqu'elle
voit également la reconstruction du chœur oriental
de la collégiale (Lahaye, 1921-1931, p. 215 ; Genicot,
1981, p. 48). La fermeture du préau du cloître sur trois
galeries ne s'opère que plus tardivement, au 15e siècle
au plus tôt.
Le réfectoire ou la chapelle dite « des
bénéficiers »
L'aile ouest du cloître est bordée par un grand bâtiment
en moellons de grès houiller qui a été largement remanié au 19e siècle. Lors de ces travaux, le curé Charles
du Vivier de Streel (1854) a sommairement signalé la
découverte de nombreuses tombes, tout en qualifiant
cet espace de « chapelle des bénéficiers ».
L'épitaphe et le haut-relief funéraires du chanoine
Guillaume de Wavre, mort en 1457, ont été retrouvés
dans ce même contexte (du Vivier de Streel, 1854,
p. 492 ; Kockerols, 2016, p. 326-328). Or, le testament du chanoine stipule clairement sa volonté d'être
enterré dans le réfectoire (AÉL, Coll. Saint-Jean,
reg. 19, f. 53r ; Lahaye, 1921-1931, p. 412). À ce titre,
il est certainement significatif que le haut-relief qui
accompagne sa sépulture, qu'il décrit lui-même dans
ses dernières volontés, représente une scène de repas
des évangiles, à savoir Marie-Madeleine lavant les
pieds du Christ chez Simon le Pharisien. Un dépouillement des sources archivistiques de la collégiale est
en cours afin de détailler le recrutement funéraire de
134
Chronique de l’Archéologie wallonne
Caveaux funéraires en tuffeau de la chapelle dite « des bénéficiers ».
cet espace qualifié par ailleurs de « réfectoire ». Ces
recherches ont déjà permis d'y identifier la fondation
d'un autel par le chanoine Jean Lardenois en 1373. Cet
autel est dédié à saint Jérôme, saint Bernard et sainte
Agathe (AÉL, Coll. Saint-Jean, reg. 924). En 1633, un
acte du chapitre détaillant les fouilles entreprises par
les chanoines afin de localiser la tombe primitive de
Notger (!) mentionne encore incidemment une lecture
effectuée chaque premier dimanche de Carême tandis
que les chanoines se restaurent tous ensemble dans
leur grand réfectoire (Analectes, 1854).
L'appellation de « réfectoire » pour un espace par
ailleurs dévolu à un usage cultuel et funéraire peut
sembler interpellant. Il est possible que cette qualification rappelle en partie une fonction révolue du
bâtiment, mais aussi qu'elle fasse référence à une affectation polyvalente de l'édifice, a priori ambigüe au
regard de nos catégories interprétatives habituelles. À
la fin du Moyen Âge, alors que la vie commune effective des chanoines n'est plus qu'un souvenir, ou seulement un idéal réaffirmé par les textes (Wilkin, 2005),
le réfectoire représente encore un espace apte à recevoir la communauté des chanoines pour certains repas
solennels ou rassemblements protocolaires. Le même
type de questionnement autour de la fonction ambivalente d'un réfectoire de chanoines séculiers à la fin du
Toutes périodes
Moyen Âge a été développé pour l'ensemble canonial
de Noyon (Pawlak, 2008, p. 111-113).
En ce qui concerne la question du renoncement à la
vie commune des chanoines de Saint-Jean, rappelons
qu'au milieu des années 2000, une fouille préventive
menée au « Rivage Saint-Jean » avait pu appréhender, dans les alentours de la collégiale, l'émergence
progressive du parcellaire urbain à partir du milieu
du 11e siècle, puis l'implantation de riches demeures
au sein de l'enclos canonial dans le courant des 13e et
14e siècles (Mora-Dieu, 2007). Ce constat archéologique est corroboré par les sources textuelles du cartulaire de Saint-Jean, dont les actes attestent bien l'existence de maisons canoniales dans les encloîtres dès la
fin du premier tiers du 13e siècle (Lahaye, 1921-1931,
p. 38, 49, 50).
L'espace du réfectoire ou de la chapelle dite « des
bénéficiers » a pu être restitué par la fouille (1). Il s'agit
d'un édifice barlong de grandes dimensions (22 m ×
9 m) dont l'implantation, axée sur l'église et son avantcorps, semble privilégiée. Sa façade orientale, en petit
appareil de moellons équarris et assisés, est dotée de
chaînages d'angle en calcaire de Meuse. Les caractéristiques de leur taille permettraient d'estimer une
construction entre le 13e siècle et le début du 14e siècle
(cf. notice supra). Quoi qu'il en soit, ce bâtiment
est assurément en place entre la seconde moitié du
14e siècle et la première moitié du 15e siècle. Mais il a
très bien pu s'appuyer sur des éléments architecturaux
plus anciens : le sondage S15, ouvert sur le soubassement de son pignon sud, montre que ce pan de mur
est déjà construit entre le milieu du 11e et le 12e siècle.
L'espace intérieur de la « chapelle des bénéficiers »
accueille des inhumations réparties selon deux rangées
contre son gouttereau occidental, chevets à l'ouest.
Une première génération de tombes prend la forme
de caveaux maçonnés à l'aide de blocs de tuffeau. Des
inhumations en cercueil complètent ensuite cette organisation systématique sur la deuxième rangée. Dans un
dernier temps, quelques tombes orientées nord/sud,
chevets au sud, bouleversent ce lotissement funéraire
originel.
Les caveaux en tuffeau sont réalisés à l'aide de blocs
finement sciés d'une dizaine de centimètres d'épaisseur, assemblés à l'aide d'un mortier à forte teneur en
chaux. Ils prennent une forme rectangulaire ou légèrement trapézoïdale, plus large au chevet. La plupart des
caveaux ont été endommagés, voire systématiquement
pillés, lors de l'implantation des caves au 19e siècle.
Charles du Vivier de Streel signale dans son article de
1854 que les caveaux étaient recouverts de larges dalles
en grès et pouvaient accueillir plusieurs dépouilles
successives. L'un des caveaux occupe une position
isolée au chevet sud de la pièce, dans l'axe longitudi-
135
Toutes périodes
nal de celle-ci, le défunt étant placé tête au nord. Cette
situation privilégiée, qui pourrait éventuellement
signaler la présence d'un autel, avait particulièrement
retenu l'attention de Charles du Vivier de Streel : Visà-vis de l'ancien autel était une sépulture isolée, posée
longitudinalement, et ne portant comme tous (sic) les
autres aucune inscription. On l'ouvrit avec précaution.
Le squelette était assez entier. Auprès de la tête on trouva
un verre de la forme de ceux qu'on appelle « verres de
Venise » dont le fût était percé et le vase extrêmement
délicat. Enfin, l'auteur ajoute : Dans un autre sépulcre,
on a trouvé aussi un verre ; mais cette fois, il avait la
forme d'un gobelet ou hanap. Le bord en est évasé et le
pied orné d'espèces de grosses pierres précieuses jetées
sans art et sans précision au moment de la fusion. Une
chose remarquable dans ce hanap, c'est que le fond
rentre en cône dans l'intérieur de la même manière que
dans nos bouteilles ordinaires (du Vivier de Streel, 1854,
p. 495-496).
Les inhumations en cercueil qui complètent la
deuxième rangée d'inhumations ont été épargnées par
les investigations musclées des terrassiers au 19e siècle.
Trois d'entre elles présentaient un récipient en verre,
apparemment disposé dans les mains du défunt,
jointes au niveau du bassin. Parmi ce lot de verreries,
on distingue un fragment de récipient verdâtre
indéterminé, un petit gobelet verdâtre à paroi gaufrée
Gobelet de type Maigelein de la sépulture en cercueil F142
(haut. : 4,5 cm ; diam. sup. : 7 cm).
Liège
de type Maigelein, comparable à un exemplaire retrouvé à Nimègue et daté entre 1450 et 1525 (Kottman,
1999, p. 1018), ainsi qu'une base de gobelet verdâtre à
fond conique rentrant, à base en cordon côtelé rapporté
et montrant une petite pastille de verre appliquée qui
évoque les décors de type Krautstrunk, plutôt typiques
du 16e siècle (Kottman, 1999, p. 947-949). Outre ce
mobilier funéraire, certaines dépouilles montraient des
résidus ou des empreintes d'oxydations de matériaux
en alliage cuivreux, probables traces d'accessoires
vestimentaires en bronze.
Les inhumations en caveaux de tuffeau se retrouvent
couramment dans d'autres contextes ecclésiastiques
privilégiés de la fin du Moyen Âge, mais leur datation
par le mobilier associé, ou la stratigraphie, est souvent
difficile. À la collégiale Notre-Dame de Huy, un caveau
de ce type est implanté au devant d'une des absidioles
latérales du chœur oriental, probablement au pied d'un
autel, dans la foulée des travaux de reconstruction du
chœur dans la seconde moitié du 14e siècle (Péters,
1999, p. 24). Deux caveaux en tuffeau ont également
été retrouvés dans la tour occidentale de la collégiale
Saint-Martin à Liège ; l'un deux était doté, au niveau
Verre à pied du caveau 140 de la place Saint-Lambert (haut. :
183 mm ; diam. à la base : 8,8 cm ; diam. au sommet : 5,3 cm)
(photo R. Gilles, Dir. archéologie).
136
Chronique de l’Archéologie wallonne
Toutes périodes
des mains jointes du défunt, d'un verre à tige décoré
de festons à la base du récipient, attribuable à la fin
du 14e ou au début du 15e siècle (Iker, 1980, p. 110).
Sur la place Saint-Lambert à Liège, la documentation
des fouilles menées entre 1990 et 1995 sur le pour-
chapelle Saint-Luc
chapelle des bénéficiers
relevé de la cathédrale (1763)
relevé de la collégiale
tour occidental de la cathédrale est en grande partie
restée inédite. Un rapide examen de la documentation conservée au Service de l'archéologie, couplé aux
données publiées précédemment par l'Université de
Liège (Péters, 1992), nous a permis de décompter sur le
fondations
caveaux en tuffeau
caveaux en tuffeau
0
10 m
0
10 m
Plans comparés de la cathédrale Saint-Lambert et de la collégiale Saint-Jean (infographie F. Taildeman, Serv. archéologie, Dir. ext.
Liège 1).
137
Toutes périodes
site un minimum de 66 caveaux funéraires en tuffeau.
Le dépôt de verrerie y est signalé à trois reprises. Parmi
ces occurrences, un très bel exemplaire était associé au
caveau 140, implanté dans la galerie nord du cloître
occidental : il s'agit d'un verre à tige décoré de festons
à la base du récipient, de teinte légèrement verdâtre,
conservé au Centre de Conservation des Collections
de la Région wallonne à Saint-Servais, et comparable à
celui découvert à Saint-Martin.
Les caveaux en tuffeau de la place Saint-Lambert
sont implantés sur le pourtour extérieur de la cathédrale et semblent contemporains ou postérieurs à un
ensemble de travaux effectués dans la seconde moitié
du 14e siècle dans la partie occidentale de la cathédrale,
à savoir la reconstruction du cloître et du portail nord,
ainsi que l'érection des tours jumelées qui flanquent
le chœur (Forgeur, 1992, p. 36, 58 ; Hoffsummer &
Houbrechts, 1996, p. 59). Soulignons que ces tours
occidentales sont communément qualifiées de « tours
de sable » car elles ont fait l'objet d'un emploi massif
de tuffeau lors de leur érection. Près de la moitié des
caveaux en tuffeau de la place Saint-Lambert sont plus
particulièrement concentrés au sein de la chapelle
Saint-Luc, établie sur le flanc de la galerie nord du
cloître occidental. Cet édifice accueille une confrérie
de clercs attachés au service de la cathédrale, fondée
durant la première moitié du 13e siècle sous le patronage de Saint-Luc (Schoolmeesters, 1910). Par ailleurs,
les sources textuelles tendent à assimiler cette chapelle
à la salle d'assemblée capitulaire « primitive », cette
dernière étant déplacée avant le milieu du 14e siècle à
l'arrière du chœur oriental de la cathédrale (Forgeur,
1984, p. 59-61 ; 1992, p. 64-65). Selon nous, la comparaison de la chapelle Saint-Luc de la cathédrale SaintLambert avec la chapelle dite « des bénéficiers » de
Saint-Jean est significative en ce qu'elle révèle, à la
fin du Moyen Âge, une tendance à la réaffectation
d'espaces anciennement dévolus à la vie commune
des chanoines. Ces modifications pourraient refléter
de nouvelles formes de solidarités cléricales, plus électives, s'exprimant par la création d'associations confraternelles. Ces confraternités rencontrent notamment
une préoccupation nouvelle pour le salut individuel
et l'entretien de la mémoire du défunt (Lauwers, 1997,
p. 381-388, 459-473).
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■ Pawlak S., 2008. L'ancien réfectoire des chanoines de la
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138
Chronique de l’Archéologie wallonne
■ Péters C. 1992. Les tombes. In : Otte M. (dir.), Les fouilles
de la place Saint-Lambert à Liège. 4. Les églises, Liège (Études
et Recherches archéologiques de l'Université de Liège, 57),
p. 201-225.
■ Péters C. 1999. Chronique archéologique : 1998. Fouilles de
prévention dans la collégiale Notre-Dame à Huy, Annales du
Cercle hutois des Sciences et Beaux-Arts, 53, p. 11-41.
■ Sapin C., 1994. Le problème du cloître à galeries dans l'architecture canoniale. In : Picard J.-C. (dir.), Les chanoines dans la
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■ Schoolmeesters É., 1910. Jean de Moregny et la Confraternité de Saint-Luc, Leodium, 9, 4, p. 37-46.
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Sources
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Saint-Jean l'Évangéliste (Liège), Libri testamentorum, reg. 19,
1366-1519.
■ AÉL, Coll. Saint-Jean = Archives de l'État à Liège, Collégiale
Saint-Jean l'Évangéliste (Liège), reg. 924, registre des cens et
rentes de l'autel des Saint Jérôme, Bernard et Agathe, 1493-1527.
Modave/Vierset-Barse : campagne de
fouille 2017 sur le site du « Rocher du
Vieux-Château » à Pont-de-Bonne
Emmanuel Delye, Françoise Bolland,
Sarah Stock et Philippe Franquinet
Les campagnes de fouille 2011 (zone 9 ; Delye, 2013),
2012 (zone 10 ; Delye, Lucon & Schaus, 2014) et 2014
(zone 13 ; Delye et al., 2015) ont révélé l'existence
d'une enceinte du Néolithique moyen II sur le site du
« Rocher du Vieux-Château » à Pont-de-Bonne. Elle
consiste en un petit fossé taillé dans la roche qui a servi
d'ancrage à une palissade. Dans son développement,
elle présente une interruption de 7,48 m interprétée
comme une entrée. Vers le sud-ouest, la palissade se
prolonge sous le rempart laténien, en suivant la ligne
de rupture de pente (Delye et al., 2018). L'objectif de
la campagne 2017 était de poursuivre la fouille de la
palissade vers le nord-ouest, au-delà de la zone 13, d'en
préciser l'orientation et la chronologie fine, sachant
que deux faciès du Néolithique moyen II ont déjà été
identifiés sur le site (Delye et al., 2018).
Une nouvelle zone de fouille (zone 15 ; superficie :
53,1 m²) a donc été implantée dans le prolongement nord-
Toutes périodes
ouest de la zone 13. À cet endroit, le rocher est apparu
rapidement sous une couche humifère dont l'épaisseur
varie entre 5 et 25 cm. Cette unité contenait un matériel
archéologique disparate datant du Néolithique à l'époque
actuelle (céramiques, clous, scories de fer…). Le nettoyage
minutieux de la surface du rocher, qui apparaît tantôt
sous la forme de strates bien organisées tantôt en amas de
petits blocs calcaires détachés du substrat, nous a permis
de suivre la tranchée-palissade (Str. 36) sur une courte
distance supplémentaire. Dans la zone 15, sa longueur est
de 2,3 m et elle atteint ainsi 10,4 m de développement total
(zones 13 et 15). Son extrémité nord-ouest est marquée
par un élargissement qui a dû accueillir un tronc d'un
diamètre plus important ou un renfort, comme à Énines
« Chêne au Raux » (Burnez-Lanotte et al., 1994). Dans la
zone 15, la tranchée-palissade offre une largeur approximative de 60 cm pour une profondeur moyenne de 34 cm
sous la surface rocheuse. Ses parois sont verticales et son
fond est irrégulier. La structure est uniquement comblée
par un sédiment humifère sombre, homogène, contenant des pierres calcaires ([184]). Le tiers supérieur du
comblement renferme également des plaquettes de grès.
Le mobilier recueilli – industrie lithique, faune et céramique –, très fragmentaire, appartient bien au Néolithique moyen II. Quatre « creux » aux contours irréguliers, de faible profondeur sous la surface rocheuse, sont
alignés dans le prolongement de la tranchée-palissade.
Deux d'entre eux étaient comblés par un sédiment plus
compact, argileux, de couleur brun jaunâtre alors que les
deux autres contenaient le même sédiment humifère que
celui qui recouvre la zone. Comme dans la tranchée-palissade, ces « creux » piégeaient des restes du Néolithique
moyen. L'interprétation de ceux-ci reste problématique.
En effet, le rocher est relativement friable à cet endroit
et il était facile de le creuser au moyen d'outils rudimentaires. S'agit-il des restes mal conservés d'un petit fossé
prolongeant la tranchée-palissade au-delà d'une nouvelle
et courte interruption ou des vestiges d'un sol d'occupation préhistorique dont des restes ont été piégés dans des
creux naturels de la surface rocheuse ?
Pour vérifier l'éventuelle prolongation de la tranchéepalissade au-delà de la zone 15, une nouvelle zone de
fouille a été implantée à 6 m au nord-ouest (zone 16 ;
superficie : 13,3 m²). Dans cette zone, située en milieu
forestier, la stratigraphie semble plus complexe. L'horizon humifère offre une épaisseur de 2 à 5 cm dans le
tiers nord-est de la zone alors qu'il atteint 20 cm dans
son angle sud-ouest. Le mobilier recueilli est relativement récent avec notamment la présence d'une brique
moderne. Sous l'humus apparaît un sédiment argileux
très compact de couleur brun moyen renfermant de
petits charbons de bois et quelques petites boulettes
d'argile cuite de couleur rouge foncé. Dans le tiers
nord-est de la zone, cet horizon argileux renferme