Academia.eduAcademia.edu
131 Toutes périodes Liège jalonnent l'espace de la cité liégeoise et accompagnent son développement urbain au tournant des 10e et 11e siècles. Elle est fondée à la fin du 10e siècle à l'initiative de l'évêque Notger qui y sera inhumé en 1008, conformément à sa propre volonté (Kupper, 2015, p. 71-79 ; Deckers, 1981). L'édifice est implanté en dehors du premier noyau urbain de Liège, sur un îlot alluvionnaire isolé de la cité par le bras de Meuse de la Sauvenière. L'église actuelle, de plan centré à nef en rotonde, fut reconstruite a fundamentis au milieu du 18e siècle ; seul l'avant-corps occidental, de style roman, subsiste de l'édifice médiéval. La formule architecturale adoptée aux Temps modernes a perpétué dans les grandes lignes la construction médiévale, dont l'inspiration à partir de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle a été soulignée de tout temps (Lahaye, 1921-1931, p. 3-4 ; Genicot, 1981, p. 48-50). Jusqu'à présent, l'église et ses dépendances n'avaient encore fait l'objet d'aucune recherche ■ Verheyden O., 2017. Étude préalable : cloître de l'église SaintJean, Liège, rapport inédit. ■ Wey S., 2014. Analyses en vue d'une restauration des galeries du cloître de la collégiale Saint-Jean-l'Évangéliste à Liège, Université de Liège, Master complémentaire en conservation et restauration du patrimoine culturel immobilier, travail de fin d'études inédit. Liège/Liège : sondages archéologiques à la collégiale Saint-Jean. La genèse du cloître à galeries et le réfectoire, également appelé « chapelle des bénéficiers » Denis Henrard, Guillaume Mora-Dieu, Geneviève Coura et Jean-Marc Léotard L'église Saint-Jean est une des sept collégiales qui 1 S1 S5 5 S2 S3 S6 3 2 4 S8 S4 S15 S11 S7 caveaux tombes en cercueil chapelle 0 10 m Plan de la fouille de 2017. 1. Emprise du réfectoire ou de la chapelle dite « des bénéficiers » ; 2. Fosse de coulée à cloches ; 3. Sépulture F47 ; 4. Sépulture F56 ; 5. Sépultures F45 et F46 (relevé et infographie AC&T et F. Taildeman, Serv. archéologie, Dir. ext. Liège 1). 132 Chronique de l’Archéologie wallonne archéologique approfondie. Entre mars 2016 et juin 2017, le Service de l'archéologie de la Direction extérieure de Liège 1 (DGO4 / Département du patrimoine) a conduit des sondages dans le préau et les bâtiments du cloître de la collégiale, en préalable à la réaffectation du lieu par la Ville de Liège. L'emprise des sondages en sous-sol est malheureusement restée très limitée, alors que les questions soulevées par la fouille auraient justifié une appréhension extensive de l'espace. Une analyse des bâtiments a pu être conjointement menée dans le cloître (cf. notice supra). Des traces de l'implantation primitive de la collégiale (11e-12e siècles) La configuration originelle et l'évolution architecturale des encloîtres de Saint-Jean sont très mal connues. D'après Richard Forgeur (1967, p. 24-25), l'espace situé à l'ouest de l'avant-corps a accueilli des bâtiments destinés au chapitre canonial, notamment le réfectoire et la salle capitulaire. Dans le préau du cloître, les séquences stratigraphiques n'ont conservé aucun niveau d'occupation relatif à l'implantation canoniale primitive, mais Toutes périodes révèlent bien un horizon funéraire des 11e et 12e siècles. Ce dernier est matérialisé par deux caveaux, F47 et F56 (respectivement 3 et 4), maçonnés à l'aide d'un petit appareil en grès et recoupés par les galeries sud et ouest du cloître actuel. Les dépouilles ont été soumises à une analyse radiométrique qui donne une datation, après calibration à deux sigmas, entre 1040 et 1220 apr. J.-C. pour F56 (RICH-24913 ; 888 ± 27 BP) et entre 965 et 1035 apr. J.-C. pour F47 (RICH-23860 ; 1029 ± 26 BP). Cette dernière inhumation appartient probablement à la première génération de personnages enterrés dans les encloîtres. À l'angle sud-ouest des bâtiments du cloître, le sondage S15 a livré un niveau d'épandage détritique précoce incorporant des productions céramiques typiques des ateliers dits « pré-andennais », ainsi que d'abondants restes fauniques dont l'analyse préliminaire signale d'ores et déjà la consommation marquée de jeunes porcs, abattus avant l'âge de deux ans. Deux datations radiométriques sur des côtes de porcelets ont été réalisées. Elles donnent respectivement une datation, après calibration à deux sigmas, entre 980 et 1150 apr. J.-C. (RICH-24917 ; 998 ± 26 BP) et 1040 et 1230 (RICH-24912 ; 878 ± 28 BP). Cet épandage détritique prend appui contre un épais soubassement en moellons de grès. En l'état de la recherche, ce tronçon de maçonnerie, servant encore d'assise au bâtiment actuel, peut difficilement être rattaché à un ensemble architectural cohérent. Une structure de combustion a également été repérée dans le sondage S7 voisin. Elle est recoupée par plusieurs fosses dont les périodes de comblement s'échelonnent entre le 11e et la fin du 14e siècle. Une fouille plus complète de ces différents contextes est déjà programmée lors de la mise en œuvre des travaux d'aménagement. Enfin, la fouille des caves des bâtiments jouxtant l'aile occidentale du cloître, outre les tombes de la chapelle dite « des bénéficiers » (cf. infra), a mis au jour une structure rubéfiée clairement assimilable à une fosse de coulée de cloches, datable entre le milieu du 11e siècle et le début du 13e siècle (2). Cette structure particulière fait l'objet d'une description dans un article distinct de ce volume. La genèse du cloître occidental à galeries Sépulture F47 et couture au niveau des fondations de la deuxième travée de la galerie occidentale. Si l'espace situé à l'ouest de l'avant-corps accueille des bâtiments destinés à la vie commune des chanoines, sa vocation funéraire sur le long terme ne fait également aucun doute. Les sondages ponctuels implantés dans la cour du cloître ont livré une trentaine d'inhumations, s'échelonnant de manière dense entre le début du 11e siècle et l'époque moderne. Parmi celles-ci, épinglons les sépultures en cercueil F45 et F46 (5), qui sont 133 Toutes périodes dotées de vases funéraires dont le remplissage incorpore des restes charbonneux. Ce type de vases funéraires, généralement qualifiés de « vases à encens », participe à des pratiques funéraires assez courantes durant les 13e et 14e siècles dans les bassins mosan et scaldien (Challe, 2017). La tombe F45 est pourvue, à droite de l'épaule du défunt, d'un pichet ovoïde complet à col cylindrique, de teinte brun rougeâtre et à glaçure partielle brun sombre, dont la panse a été perforée trois fois après cuisson. À gauche du défunt gisaient un pot ovoïde fragmentaire à col bombé, de teinte claire et à glaçure verdâtre partielle. La partie inférieure de la tombe F46 contenait, elle, des fragments du fond d'un pichet à pâte blanche et à glaçure partielle verdâtre. Le comblement de F46 contenait également, en position de remblai (?), un fragment de col à bandeau court d'un pot en céramique sombre très cuite. Les caractéristiques typologiques du mobilier associé aux sépultures F45 et F46 l'apparentent aux productions de la période III des ateliers d'Andenne, datées entre le deuxième quart du 13e siècle et le milieu du 14e siècle (Borremans & Warginaire, 1966 ; Challe, 2017, p. 308). La question de la mise en place architecturale du cloître à galeries a également retenu toute notre attention. Ce dernier est traditionnellement attribué au 16e siècle, tout en notant d'importantes transformations aux 18e et 19e siècles (Forgeur, 1967, p. 23-27). Par ailleurs, l'historiographie présuppose généralement l'existence d'un cloître à galeries dès la période romane, sans réel argument objectif en ce sens, mais plutôt par a priori comparatif avec Aix-la-Chapelle (Forgeur, 1967, p. 7 ; Genicot, 1981, p. 52). Pourtant, le cloître à galeries n'apparaît pas comme un équipement architectural absolument indispensable aux ensembles canoniaux, son édification pouvant également s'avérer tardive, par tranches successives, voire même partielles (par exemple interrompues après quelques travées ; Sapin, 1994). L'usage de galeries de circulation à usage propre, n'ayant pas eu la vocation originelle de constituer un cloître, peut également être envisagé. Les sondages opérés dans le préau du cloître indiquent que la voûte de la galerie sud, parée des armoiries d'Érard de La Marck (prince-évêque de Liège de 1505 à 1538), est mise en œuvre dans une galerie préexistante. Celle-ci est datable, sur base du mobilier associé en stratigraphie, à une période comprise entre la seconde moitié du 14e siècle et le début du 15e siècle. Cet ouvrage de la fin du Moyen Âge opère un retour d'angle vers la galerie ouest où, au niveau de la deuxième travée, une couture nette en fondation indique que le reste de la galerie n'a été prolongé, dans sa forme actuelle en tout cas, que plus tardivement (au 15e siècle au plus tôt). Aucune information quant Liège à la période d'implantation de la galerie nord n'a pu être collectée en fouille. Enfin, la galerie orientale est, quant à elle, construite au 18e siècle, en empiétant sur les tombes F45 et F46, datées entre le second quart du 13e siècle et la première moitié du 14e siècle. Pour compléter les informations collectées au sujet du développement architectural des bâtiments du cloître, signalons que le volume qui jouxte le pignon sud du réfectoire recoupe des contextes stratigraphiques datés entre la seconde moitié du 15e siècle et la première moitié du 16e siècle (sondage S11). Enfin, le pilier central de la pièce voûtée adjacente, qui occupe l'angle sud-ouest du cloître actuel, recoupe une fosse dont le comblement est à situer entre la fin du 14e siècle et le 15e siècle (sondage S7). Sur la base des données récoltées en fouille, nous pouvons donc dresser le constat que la mise en place du cloître à galeries, dans son agencement actuel, est assez tardive. L'axe de circulation formé par la galerie sud et son retour vers l'ouest sur deux travées n'a été mise en œuvre que durant la seconde moitié du 14e siècle ou au début du 15e siècle, en empiétant d'ailleurs sur des caveaux funéraires des 11e ou 12e siècles. Cette phase de travaux correspond à une période de grand dynamisme constructif à Saint-Jean, puisqu'elle voit également la reconstruction du chœur oriental de la collégiale (Lahaye, 1921-1931, p. 215 ; Genicot, 1981, p. 48). La fermeture du préau du cloître sur trois galeries ne s'opère que plus tardivement, au 15e siècle au plus tôt. Le réfectoire ou la chapelle dite « des bénéficiers » L'aile ouest du cloître est bordée par un grand bâtiment en moellons de grès houiller qui a été largement remanié au 19e siècle. Lors de ces travaux, le curé Charles du Vivier de Streel (1854) a sommairement signalé la découverte de nombreuses tombes, tout en qualifiant cet espace de « chapelle des bénéficiers ». L'épitaphe et le haut-relief funéraires du chanoine Guillaume de Wavre, mort en 1457, ont été retrouvés dans ce même contexte (du Vivier de Streel, 1854, p. 492 ; Kockerols, 2016, p. 326-328). Or, le testament du chanoine stipule clairement sa volonté d'être enterré dans le réfectoire (AÉL, Coll. Saint-Jean, reg. 19, f. 53r ; Lahaye, 1921-1931, p. 412). À ce titre, il est certainement significatif que le haut-relief qui accompagne sa sépulture, qu'il décrit lui-même dans ses dernières volontés, représente une scène de repas des évangiles, à savoir Marie-Madeleine lavant les pieds du Christ chez Simon le Pharisien. Un dépouillement des sources archivistiques de la collégiale est en cours afin de détailler le recrutement funéraire de 134 Chronique de l’Archéologie wallonne Caveaux funéraires en tuffeau de la chapelle dite « des bénéficiers ». cet espace qualifié par ailleurs de « réfectoire ». Ces recherches ont déjà permis d'y identifier la fondation d'un autel par le chanoine Jean Lardenois en 1373. Cet autel est dédié à saint Jérôme, saint Bernard et sainte Agathe (AÉL, Coll. Saint-Jean, reg. 924). En 1633, un acte du chapitre détaillant les fouilles entreprises par les chanoines afin de localiser la tombe primitive de Notger (!) mentionne encore incidemment une lecture effectuée chaque premier dimanche de Carême tandis que les chanoines se restaurent tous ensemble dans leur grand réfectoire (Analectes, 1854). L'appellation de « réfectoire » pour un espace par ailleurs dévolu à un usage cultuel et funéraire peut sembler interpellant. Il est possible que cette qualification rappelle en partie une fonction révolue du bâtiment, mais aussi qu'elle fasse référence à une affectation polyvalente de l'édifice, a priori ambigüe au regard de nos catégories interprétatives habituelles. À la fin du Moyen Âge, alors que la vie commune effective des chanoines n'est plus qu'un souvenir, ou seulement un idéal réaffirmé par les textes (Wilkin, 2005), le réfectoire représente encore un espace apte à recevoir la communauté des chanoines pour certains repas solennels ou rassemblements protocolaires. Le même type de questionnement autour de la fonction ambivalente d'un réfectoire de chanoines séculiers à la fin du Toutes périodes Moyen Âge a été développé pour l'ensemble canonial de Noyon (Pawlak, 2008, p. 111-113). En ce qui concerne la question du renoncement à la vie commune des chanoines de Saint-Jean, rappelons qu'au milieu des années 2000, une fouille préventive menée au « Rivage Saint-Jean » avait pu appréhender, dans les alentours de la collégiale, l'émergence progressive du parcellaire urbain à partir du milieu du 11e siècle, puis l'implantation de riches demeures au sein de l'enclos canonial dans le courant des 13e et 14e siècles (Mora-Dieu, 2007). Ce constat archéologique est corroboré par les sources textuelles du cartulaire de Saint-Jean, dont les actes attestent bien l'existence de maisons canoniales dans les encloîtres dès la fin du premier tiers du 13e siècle (Lahaye, 1921-1931, p. 38, 49, 50). L'espace du réfectoire ou de la chapelle dite « des bénéficiers » a pu être restitué par la fouille (1). Il s'agit d'un édifice barlong de grandes dimensions (22 m × 9 m) dont l'implantation, axée sur l'église et son avantcorps, semble privilégiée. Sa façade orientale, en petit appareil de moellons équarris et assisés, est dotée de chaînages d'angle en calcaire de Meuse. Les caractéristiques de leur taille permettraient d'estimer une construction entre le 13e siècle et le début du 14e siècle (cf. notice supra). Quoi qu'il en soit, ce bâtiment est assurément en place entre la seconde moitié du 14e siècle et la première moitié du 15e siècle. Mais il a très bien pu s'appuyer sur des éléments architecturaux plus anciens : le sondage S15, ouvert sur le soubassement de son pignon sud, montre que ce pan de mur est déjà construit entre le milieu du 11e et le 12e siècle. L'espace intérieur de la « chapelle des bénéficiers » accueille des inhumations réparties selon deux rangées contre son gouttereau occidental, chevets à l'ouest. Une première génération de tombes prend la forme de caveaux maçonnés à l'aide de blocs de tuffeau. Des inhumations en cercueil complètent ensuite cette organisation systématique sur la deuxième rangée. Dans un dernier temps, quelques tombes orientées nord/sud, chevets au sud, bouleversent ce lotissement funéraire originel. Les caveaux en tuffeau sont réalisés à l'aide de blocs finement sciés d'une dizaine de centimètres d'épaisseur, assemblés à l'aide d'un mortier à forte teneur en chaux. Ils prennent une forme rectangulaire ou légèrement trapézoïdale, plus large au chevet. La plupart des caveaux ont été endommagés, voire systématiquement pillés, lors de l'implantation des caves au 19e siècle. Charles du Vivier de Streel signale dans son article de 1854 que les caveaux étaient recouverts de larges dalles en grès et pouvaient accueillir plusieurs dépouilles successives. L'un des caveaux occupe une position isolée au chevet sud de la pièce, dans l'axe longitudi- 135 Toutes périodes nal de celle-ci, le défunt étant placé tête au nord. Cette situation privilégiée, qui pourrait éventuellement signaler la présence d'un autel, avait particulièrement retenu l'attention de Charles du Vivier de Streel : Visà-vis de l'ancien autel était une sépulture isolée, posée longitudinalement, et ne portant comme tous (sic) les autres aucune inscription. On l'ouvrit avec précaution. Le squelette était assez entier. Auprès de la tête on trouva un verre de la forme de ceux qu'on appelle « verres de Venise » dont le fût était percé et le vase extrêmement délicat. Enfin, l'auteur ajoute : Dans un autre sépulcre, on a trouvé aussi un verre ; mais cette fois, il avait la forme d'un gobelet ou hanap. Le bord en est évasé et le pied orné d'espèces de grosses pierres précieuses jetées sans art et sans précision au moment de la fusion. Une chose remarquable dans ce hanap, c'est que le fond rentre en cône dans l'intérieur de la même manière que dans nos bouteilles ordinaires (du Vivier de Streel, 1854, p. 495-496). Les inhumations en cercueil qui complètent la deuxième rangée d'inhumations ont été épargnées par les investigations musclées des terrassiers au 19e siècle. Trois d'entre elles présentaient un récipient en verre, apparemment disposé dans les mains du défunt, jointes au niveau du bassin. Parmi ce lot de verreries, on distingue un fragment de récipient verdâtre indéterminé, un petit gobelet verdâtre à paroi gaufrée Gobelet de type Maigelein de la sépulture en cercueil F142 (haut. : 4,5 cm ; diam. sup. : 7 cm). Liège de type Maigelein, comparable à un exemplaire retrouvé à Nimègue et daté entre 1450 et 1525 (Kottman, 1999, p. 1018), ainsi qu'une base de gobelet verdâtre à fond conique rentrant, à base en cordon côtelé rapporté et montrant une petite pastille de verre appliquée qui évoque les décors de type Krautstrunk, plutôt typiques du 16e siècle (Kottman, 1999, p. 947-949). Outre ce mobilier funéraire, certaines dépouilles montraient des résidus ou des empreintes d'oxydations de matériaux en alliage cuivreux, probables traces d'accessoires vestimentaires en bronze. Les inhumations en caveaux de tuffeau se retrouvent couramment dans d'autres contextes ecclésiastiques privilégiés de la fin du Moyen Âge, mais leur datation par le mobilier associé, ou la stratigraphie, est souvent difficile. À la collégiale Notre-Dame de Huy, un caveau de ce type est implanté au devant d'une des absidioles latérales du chœur oriental, probablement au pied d'un autel, dans la foulée des travaux de reconstruction du chœur dans la seconde moitié du 14e siècle (Péters, 1999, p. 24). Deux caveaux en tuffeau ont également été retrouvés dans la tour occidentale de la collégiale Saint-Martin à Liège ; l'un deux était doté, au niveau Verre à pied du caveau 140 de la place Saint-Lambert (haut. : 183 mm ; diam. à la base : 8,8 cm ; diam. au sommet : 5,3 cm) (photo R. Gilles, Dir. archéologie). 136 Chronique de l’Archéologie wallonne Toutes périodes des mains jointes du défunt, d'un verre à tige décoré de festons à la base du récipient, attribuable à la fin du 14e ou au début du 15e siècle (Iker, 1980, p. 110). Sur la place Saint-Lambert à Liège, la documentation des fouilles menées entre 1990 et 1995 sur le pour- chapelle Saint-Luc chapelle des bénéficiers relevé de la cathédrale (1763) relevé de la collégiale tour occidental de la cathédrale est en grande partie restée inédite. Un rapide examen de la documentation conservée au Service de l'archéologie, couplé aux données publiées précédemment par l'Université de Liège (Péters, 1992), nous a permis de décompter sur le fondations caveaux en tuffeau caveaux en tuffeau 0 10 m 0 10 m Plans comparés de la cathédrale Saint-Lambert et de la collégiale Saint-Jean (infographie F. Taildeman, Serv. archéologie, Dir. ext. Liège 1). 137 Toutes périodes site un minimum de 66 caveaux funéraires en tuffeau. Le dépôt de verrerie y est signalé à trois reprises. Parmi ces occurrences, un très bel exemplaire était associé au caveau 140, implanté dans la galerie nord du cloître occidental : il s'agit d'un verre à tige décoré de festons à la base du récipient, de teinte légèrement verdâtre, conservé au Centre de Conservation des Collections de la Région wallonne à Saint-Servais, et comparable à celui découvert à Saint-Martin. Les caveaux en tuffeau de la place Saint-Lambert sont implantés sur le pourtour extérieur de la cathédrale et semblent contemporains ou postérieurs à un ensemble de travaux effectués dans la seconde moitié du 14e siècle dans la partie occidentale de la cathédrale, à savoir la reconstruction du cloître et du portail nord, ainsi que l'érection des tours jumelées qui flanquent le chœur (Forgeur, 1992, p. 36, 58 ; Hoffsummer & Houbrechts, 1996, p. 59). Soulignons que ces tours occidentales sont communément qualifiées de « tours de sable » car elles ont fait l'objet d'un emploi massif de tuffeau lors de leur érection. Près de la moitié des caveaux en tuffeau de la place Saint-Lambert sont plus particulièrement concentrés au sein de la chapelle Saint-Luc, établie sur le flanc de la galerie nord du cloître occidental. Cet édifice accueille une confrérie de clercs attachés au service de la cathédrale, fondée durant la première moitié du 13e siècle sous le patronage de Saint-Luc (Schoolmeesters, 1910). Par ailleurs, les sources textuelles tendent à assimiler cette chapelle à la salle d'assemblée capitulaire « primitive », cette dernière étant déplacée avant le milieu du 14e siècle à l'arrière du chœur oriental de la cathédrale (Forgeur, 1984, p. 59-61 ; 1992, p. 64-65). Selon nous, la comparaison de la chapelle Saint-Luc de la cathédrale SaintLambert avec la chapelle dite « des bénéficiers » de Saint-Jean est significative en ce qu'elle révèle, à la fin du Moyen Âge, une tendance à la réaffectation d'espaces anciennement dévolus à la vie commune des chanoines. Ces modifications pourraient refléter de nouvelles formes de solidarités cléricales, plus électives, s'exprimant par la création d'associations confraternelles. Ces confraternités rencontrent notamment une préoccupation nouvelle pour le salut individuel et l'entretien de la mémoire du défunt (Lauwers, 1997, p. 381-388, 459-473). Bibliographie ■ Analectes, 1854. Actus visitationis capellae et monumenti marmorei, sub turri seu campanili insignis ecclesiae collegiatae Sancti Johannis Evangelistae leodiensis, pro sepultura corporis beati Notgeri, dictae ecclesiae fundatoris, comperienda, sub anno a nativitate Domini millesimo sexcentesimo trigesimo tertio factae, Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, 2, p. 255-257. Liège ■ Borremans R. & Warginaire R., 1966. La céramique d'Andenne. Recherche de 1956-1965, Rotterdam. ■ Challe S., 2017. Les vases à encens en Belgique entre le xiie et le début du xve siècle. 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L'ancien réfectoire des chanoines de la cathédrale Notre-Dame de Noyon, Bulletin Monumental, 166, p. 105-116. 138 Chronique de l’Archéologie wallonne ■ Péters C. 1992. Les tombes. In : Otte M. (dir.), Les fouilles de la place Saint-Lambert à Liège. 4. Les églises, Liège (Études et Recherches archéologiques de l'Université de Liège, 57), p. 201-225. ■ Péters C. 1999. Chronique archéologique : 1998. Fouilles de prévention dans la collégiale Notre-Dame à Huy, Annales du Cercle hutois des Sciences et Beaux-Arts, 53, p. 11-41. ■ Sapin C., 1994. Le problème du cloître à galeries dans l'architecture canoniale. In : Picard J.-C. (dir.), Les chanoines dans la ville. Recherches sur la topographie des quartiers canoniaux en France, Paris, p. 33-39. ■ Schoolmeesters É., 1910. Jean de Moregny et la Confraternité de Saint-Luc, Leodium, 9, 4, p. 37-46. ■ Wilkin A., 2005. Fratres et canonici. Le problème de la dissolution de la vie commune des chanoines : le cas de la cathédrale Saint-Lambert de Liège au Moyen Âge, Le Moyen Âge, 111, p. 41-58. Sources ■ AÉL, Coll. Saint-Jean = Archives de l'État à Liège, Collégiale Saint-Jean l'Évangéliste (Liège), Libri testamentorum, reg. 19, 1366-1519. ■ AÉL, Coll. Saint-Jean = Archives de l'État à Liège, Collégiale Saint-Jean l'Évangéliste (Liège), reg. 924, registre des cens et rentes de l'autel des Saint Jérôme, Bernard et Agathe, 1493-1527. Modave/Vierset-Barse : campagne de fouille 2017 sur le site du « Rocher du Vieux-Château » à Pont-de-Bonne Emmanuel Delye, Françoise Bolland, Sarah Stock et Philippe Franquinet Les campagnes de fouille 2011 (zone 9 ; Delye, 2013), 2012 (zone 10 ; Delye, Lucon & Schaus, 2014) et 2014 (zone 13 ; Delye et al., 2015) ont révélé l'existence d'une enceinte du Néolithique moyen II sur le site du « Rocher du Vieux-Château » à Pont-de-Bonne. Elle consiste en un petit fossé taillé dans la roche qui a servi d'ancrage à une palissade. Dans son développement, elle présente une interruption de 7,48 m interprétée comme une entrée. Vers le sud-ouest, la palissade se prolonge sous le rempart laténien, en suivant la ligne de rupture de pente (Delye et al., 2018). L'objectif de la campagne 2017 était de poursuivre la fouille de la palissade vers le nord-ouest, au-delà de la zone 13, d'en préciser l'orientation et la chronologie fine, sachant que deux faciès du Néolithique moyen II ont déjà été identifiés sur le site (Delye et al., 2018). Une nouvelle zone de fouille (zone 15 ; superficie : 53,1 m²) a donc été implantée dans le prolongement nord- Toutes périodes ouest de la zone 13. À cet endroit, le rocher est apparu rapidement sous une couche humifère dont l'épaisseur varie entre 5 et 25 cm. Cette unité contenait un matériel archéologique disparate datant du Néolithique à l'époque actuelle (céramiques, clous, scories de fer…). Le nettoyage minutieux de la surface du rocher, qui apparaît tantôt sous la forme de strates bien organisées tantôt en amas de petits blocs calcaires détachés du substrat, nous a permis de suivre la tranchée-palissade (Str. 36) sur une courte distance supplémentaire. Dans la zone 15, sa longueur est de 2,3 m et elle atteint ainsi 10,4 m de développement total (zones 13 et 15). Son extrémité nord-ouest est marquée par un élargissement qui a dû accueillir un tronc d'un diamètre plus important ou un renfort, comme à Énines « Chêne au Raux » (Burnez-Lanotte et al., 1994). Dans la zone 15, la tranchée-palissade offre une largeur approximative de 60 cm pour une profondeur moyenne de 34 cm sous la surface rocheuse. Ses parois sont verticales et son fond est irrégulier. La structure est uniquement comblée par un sédiment humifère sombre, homogène, contenant des pierres calcaires ([184]). Le tiers supérieur du comblement renferme également des plaquettes de grès. Le mobilier recueilli – industrie lithique, faune et céramique –, très fragmentaire, appartient bien au Néolithique moyen II. Quatre « creux » aux contours irréguliers, de faible profondeur sous la surface rocheuse, sont alignés dans le prolongement de la tranchée-palissade. Deux d'entre eux étaient comblés par un sédiment plus compact, argileux, de couleur brun jaunâtre alors que les deux autres contenaient le même sédiment humifère que celui qui recouvre la zone. Comme dans la tranchée-palissade, ces « creux » piégeaient des restes du Néolithique moyen. L'interprétation de ceux-ci reste problématique. En effet, le rocher est relativement friable à cet endroit et il était facile de le creuser au moyen d'outils rudimentaires. S'agit-il des restes mal conservés d'un petit fossé prolongeant la tranchée-palissade au-delà d'une nouvelle et courte interruption ou des vestiges d'un sol d'occupation préhistorique dont des restes ont été piégés dans des creux naturels de la surface rocheuse ? Pour vérifier l'éventuelle prolongation de la tranchéepalissade au-delà de la zone 15, une nouvelle zone de fouille a été implantée à 6 m au nord-ouest (zone 16 ; superficie : 13,3 m²). Dans cette zone, située en milieu forestier, la stratigraphie semble plus complexe. L'horizon humifère offre une épaisseur de 2 à 5 cm dans le tiers nord-est de la zone alors qu'il atteint 20 cm dans son angle sud-ouest. Le mobilier recueilli est relativement récent avec notamment la présence d'une brique moderne. Sous l'humus apparaît un sédiment argileux très compact de couleur brun moyen renfermant de petits charbons de bois et quelques petites boulettes d'argile cuite de couleur rouge foncé. Dans le tiers nord-est de la zone, cet horizon argileux renferme